Le week-end dernier, je me suis rendue à un mariage. Il a plu (le proverbe « mariage pluvieux, mariage heureux » est-il une sorte de lot de consolation?), on a bu, dansé et célébré. J’avais (évidemment) fabriqué ma robe-qui-tourne. Mais _détail qui vous indiquera que je suis tout de même un peu dérangée, je ne me suis pas contentée de ma seule tenue : j’ai aussi fabriqué à mon cavalier un noeud papillon assorti, coupé dans le même tissu que ma robe.
Certains l’ont remarqué tout de suite, d’autres non, la plupart ont attendu que je leur pointe fièrement cette excentricité, très commode (je pense déposer le concept pour le vendre en Corée), lorsque toutes vos nombreuses connaissances n’ont pas encore rencontré, ni identifié votre amoureux, et qui porte un nom : le mirror dressing (à moins qu’on ne soit dans un attachement un peu flippant, mais passons).
Même dans un contexte mode, le mirror dressing a mauvaise presse : Garance, pourtant moitié d’un couple star, mentionne ici en passant que hum, bof, et Libération en fait le symptôme d’un narcissisme affirmé (plus près de nous, les airs blasés des campagnes the Kooples n’aident pas non plus). Plus nuancée, Maïa Mazaurette remarque sagement que l’altérité/l’identité, dans un couple, est là où on veut… Ce n’est donc pas nécessairement parce que l’on s’habille pareil (ou assorti) que l’on aime dans l’autre un reflet de soi-même : ouf, je craignais un peu que l’on me jette l’opprobre.
Car il n’y a pas qu’aux mariages que je m’intéresse au dressing de mon amoureux ; c’est loin d’être systématique, mais j’aime bien (que cet aveu me coûte) que nos tenues aillent assez bien ensemble : en évitant les couleurs qui jurent, et en cherchant une relative équivalence de « niveau »_ il est désagréable de sortir en jolie robe et talons au bras de qui arbore un jean pourri, tout autant d’afficher un look d’étudiante pour un rendez-vous galant avec quelqu’un qui porte un costume.
J’ajouterais qu’il y a dans mon cas une autre explication : la Demy girl que je suis est folle des raccords de couleur instillés par le couple Evein/Moreau (respectivement décorateur et costumière attitrés de Jacques Demy). Dans mon film-talisman, lorsque deux personnages sont amoureux, sympathie ou contagion, ils échangent spontanément leurs couleurs. Est-il, au cinéma, plus jolie, plus fine façon de nous suggérer ce qui se passe dans leurs coeurs? Au cinéma comme dans la vie, la couleur me semble toujours sous-exploitée. J’aime pourtant lui rendre hommage, autant qu’à mon amoureux. Il faut dire : arborer toute la journée, pour l’amour de moi, un noeud papillon à petites fleurs roses… est assez chevaleresque.
J’avais loupé ton billet sur les Demoiselles de Rochefort. Moi aussi, ce film me plonge dans un état de bonheur extatique. Les couleurs, l’extrême ensoleillement des vues en extérieur, les costumes et bien sûr la chorégraphie me mettent en transe.
J’aime bien l’idée de l’amoureux miroir à petites doses bien sûr. J’aurais été cap’ de faire un noeud pap’ assorti sans aucune inquiétude.
Haha, ça me rassure un peu que tu puisses faire la même chose, j’avais peur d’être un unique et terrible Narcisse (ou bien une Barbie qui veut se balader avec son Ken assorti). Bien sûr, à petite dose! Avec un peu de recul, je trouve que c’est tout de même un joli témoignage de la façon dont les deux moitiés d’un couple peuvent s’influencer (même si les jusqu’au-boutistes coréens ont apparemment des raisons sociales de le faire)…