La semaine dernière, j’ai accompagné une personne avec laquelle je travaille en ce moment au Made in France, « salon de la haute façon » et rendez-vous annuel des façonniers français. C’était la première fois que je découvrais l’ambiance particulière des salons pro, où chacun vient se rencontrer, se retrouver, où l’on cherche le contrat qui occupera les ateliers à la morte saison, au milieu des cintres exposant les exemples soigneusement sélectionnés du savoir-faire des ateliers.
Sur les étiquettes, quelques très belles marques. Un peu de Kenzo, un peu de Balmain, pas mal de Balenciaga et, évidemment, Hermès. Quelques anglais. Certains citent Rykiel, Agnès B, mais sur le sujet qui nous intéressait (les manteaux), la plupart des marques mentionnées tournent pour le prix de vente autour du millier d’euros, voire beaucoup, beaucoup plus. Je me suis déjà posé la question en lisant le dossier des Inrocks qu’évoque ici Frieda, mais qui, en France, a les moyens d’acheter français?
Ce n’est certainement pas moi qui vais répondre à cette épineuse question… Je peux simplement dire que les représentants des ateliers, eux, en portent, et souvent plutôt bien (certains sont même assez snob), toujours ravis de pouvoir vous montrer, qui la fermeture originale d’un tailleur, qui un pantalon entièrement passepoilé, qui une veste non doublée, mais si luxueusement finie qu’elle n’en a pas besoin. Ça ne me donne pas tellement foi en mes modestes capacités de couturière (ça me découragerait plutôt), mais un tel savoir-faire me fait tout de même un peu rêver… et me donne des goûts de luxe : en sortant du salon, je me suis aperçu que j’avais un peu honte de mon trench Gap trop grand, et que sans m’en être même rendu compte, cela faisait désormais six mois que je n’avais rien acheté dans mes deux temples de la fringue de masse, H&M et Uniqlo. Depuis je fais une drôle de tête en repensant à cette phrase d’une grand-mère avisée : « je n’ai pas les moyens d’acheter bon marché »… Zut, alors.
C’est vrai qu’on a pas les moyens d’acheter français, mais on a les moyens d’essayer de reproduire par nous même ce genre de techniques, et c’est devenu une de mes motivations principales lorsque je couds.
J’ai enfin fini la chemise dont je parlais la dernière fois, et je suis plutot fière du résultat : bon, ok, quelques coutures sont pas très droites, les boutonnières pas tip-top, et la chemise plutot large (mais mon grand père la voulait comme ça). Mais j’ai fini une partie des ourlets au biais liberty, et j’ai aussi fait des « felled seams » (je ne connais pas le terme français, ils en parlaient sur le blog de Colette Patterns) sur les cotés et aux émanchures. Donc peut être bien que je n’ai pas cousu quelque chose digne d’Hermès, mais j’ai fait quelque chose de bien meilleure qualité que H&M, Zara et co. Et ça je pense qu’on peut en être fière.
J’avoue que mon blues vient aussi du fait qu’autant j’apprécie tout à fait une belle finition lorsque je la porte (ou l’inspecte, comme c’était le cas la semaine dernière), autant à faire, ça me barbe souvent… il y a de l’espoir, cela dit : j’ai fait mes premières ‘lapped seams’ pour un projet de combinaison samedi dernier (à moi aussi, mon vocabulaire technique est plus étoffé en anglais qu’en français), et j’ai plutôt aimé!
Bravo pour cette chemise (encore une de mes folles ambitions pour cette année), il y a effectivement de quoi être fière! Et tu as raison, il est peut-être un peu vain de ma part de rêver de faire aussi bien qu’Hermès : déjà pas mal que de faire mieux qu’H&M ( cela dit, après une blouse importable et un premier tee-shirt raté, je serais déjà contente de faire aussi bien, ces derniers temps)…
C’est fou, je ne l’avais pas lu ton post. D’accord, peu de gens ont les moyens d’acheter français parce que les vêtements ont toujours été chers. Au XVIII ème siècle, un bourgeois gentilhomme s’endettait pour s’habiller. Nous avons eu après guerre, l’illusion qu’on pourrait s’habiller pas cher avec le prét-à-porter. Cela n’a pas duré longtemps. Aujourd’hui, c’est le décalage de niveaux de vie des pays pauvres qui nous permettent d’avoir des vêtements pas chers. Illusoire aussi. Cela aura une fin.
Aujourd’hui, je suis comme la grand-mère, je n’ai pas les moyens d’acheter du bon marché. J’achète une belle pièce par an et comme je le garde au moins 10 ans, je m’en tire mieux que si je passais tous mes samedis ches Zara.
De plus en plus souvent, je me dis que si je gagnais au loto (ou rencontrais un investisseur fou), je lancerais une chaîne de couturières locales… pour des vêtements réfléchis, bien faits… et qui durent longtemps. On peut toujours rêver! Encore que parfois, je me demande où tout cela va nous mener (sacrément contradictoire, de la part de quelqu’un qui vient de s’offrir un petit pull Uniqlo).