Le jour où nous serons toutes aussi élégantes qu’un dessin de Gruau, la mode aura rudement progressé…
Cette semaine et la précédente, j’ai un peu fait les soldes. Ça n’a rien de remarquable, c’est même le dernier scoop de la planète. Ce qui est davantage remarquable, en revanche, c’est qu’entre ces soldes et les précédents (eux-mêmes bien raisonnables, composés de fonds de bacs du Monop’), je n’ai acheté qu’une paire de chaussures et une collection de T-shirts Petit Bateau, acquis pour moins de 2 euros à Barbès, que je crois être la dernière étape avant leur recyclage.
C’est arrivé un peu comme ça. Je ne m’étais pas particulièrement fixé de but au départ, mais je suis tout de même assez fière d’avoir su m’abstenir sur une telle durée : c’est une expérience inédite pour moi. Même si je ne suis pas la shopaholic que je me suis soupçonnée d’être il y a quelques années, je n’en suis pas moins une fille de mon époque : toujours contente de mettre la main sur une nouvelle fringue, jamais satisfaite de celles que je possède déjà. Pourquoi ma consommation a-t-elle ralenti ces derniers temps?
Je crois que le syndrome couture y est pour beaucoup. Comme je m’en faisais la réflexion à la sortie du salon Made in France, j’ai développé des goûts de luxe : à force de coudre, même sans que les résultats soient parfaits, on devient plus critique sur les articles qu’on essaie : une composition qui ne soit pas 100% quelque chose, un pantalon qui bâille, une chemise mal cousue, un T-shirt qui tourne? je les laisse désormais sur leur portant. Même lorsque la frusque remplit toutes les conditions, je n’ai jamais le sentiment que le prix en est le bon. Je ne crois d’ailleurs pas avoir acheté un vêtement sans remise depuis bien plus d’un an. Il y a aussi d’autres préoccupations, moins réjouissantes : le shopping comme activité de loisir me met de plus en plus mal à l’aise. Il faut sans doute un sacré toupet pour dire ça lorsqu’on tient un blog consacré au style (je dois à la fast fashion une part de mon éducation mode et la plupart du contenu de mes armoires), mais la surconsommation m’écœure et m’inquiète d’autant plus que comme le souligne Zoe dans cet excellent billet (en anglais mais que je vous recommande, car il couvre plus que ce seul sujet), elle est devenue une composante essentielle de notre économie.
Nous sommes très loin du fashion wonderland à la sauce Carlotta _où les vendeuses de chez H&M et consorts sont devenues couturières de quartier pour des clientes possédant certes moins de vêtements au profit d’une qualité, d’une coupe et d’une allure parfaites_ mais je dois l’avouer : à une échelle très individuelle, mon « abstinence non préméditée » m’apparaît déjà comme un joli signe..
Je partage ton ressentis depuis bien longtemps. (plus âgée, en fait). Je me souviens de ce sentiment d’écoeurement que j’avais devant les étagères bourrées de vêtements dans les grands magasins d’Osaka. Je n’ai jamais vu autant de vêtements qu’au Japon d’ailleurs.
Lorsque j’ai fais une pause professionnelle, je n’ai pas acheté le moindre vêtement pendant deux ans, à part quelques collants bien sûr.
Un sentiment de purification m’a habité à ce moment là.
Ce que tu dis est juste. Lorsqu’on commence à coudre, on devient exigeant. Alors les soldes…
Ah, mais je n’avais pas vu tes commentaires! Deux ans… c’est long, dis donc. Mais qu’on se le dise : j’ai bien fait les soldes ; mes besoins évoluent, et certaines choses ont toujours besoin d’être remplacées, surtout achetées avec un budget d’étudiante… Plus j’y pense et plus j’ai l’impression d’être un ‘brouillon de fille’ , ce qui implique son lot d’erreurs et de ratures sur le plan vestimentaire. Mais ça ne m’empêche pas d’espérer atteindre un jour la sagesse… sur ce plan comme sur d’autres! Mais me prouver que je pouvais résister à l’emballement de la machine mode m’a fait du bien.
Je retiens ta phrase « Il y a aussi d’autres préoccupations, moins réjouissantes : le shopping comme activité de loisir me met de plus en plus mal à l’aise. Il faut sans doute un sacré toupet pour dire ça lorsqu’on tient un blog consacré au style »
Tu n’es pas la seule, nous sommes nombreuses.
En ce qui me concerne, le shopping agit comme une soupape … une manière de me souvenir que, non, je ne suis pas OBLIGEE de tout coudre ce que je porte, piqûre de rappel toujours utile quand les journées n’ont que 24 heures.
Mais effectivement, depuis que je couds, ma patience pour les chaînes de prêt-à-porter a nettement diminué. Et je deviens persona non grata lors des virées shopping 🙂 (« non, mais tu as vu la pince, là, ils l’ont faite au marteau-piqueur ou quoi ? Et puis ce biais qui se tortille, enfin, c’est pas du travail ! »)
J’achète bien sûr les choses que je ne saurais pas faire (ou pas aussi bien pour si peu d’argent), mais disons que je ne trouve pas très logique d’exiger moins de qualité d’une enseigne que de la couture maison… alors que je suis loin d’être aussi expérimentée que toi, d’après ce que j’ai pu découvrir sur ton blog.
Cela dit, tout coudre, même si je n’en suis pas capable pour le moment, je crois que j’aimerais vraiment beaucoup, à la fois pour le défi et pour le merveilleux sentiment d’autonomie que ça doit procurer…